Dans l’ouvrage « Le Capitalisme de la Séduction », Michel Clouscard présentait une critique incisive de la société capitaliste avec un angle original. Le célébre philosophe et sociologue français avait en effet choisi l’analyse du prisme de la culture de consommation et de la séduction. Cet article entend revenir sur les principaux thèmes abordés par Clouscard, analysant sa vision de la transformation de la société sous l’influence du capitalisme.
Le concept de séduction dans le capitalisme
Dans cet ouvrage majeur sorti en 1981, Clouscard affirme que le capitalisme a évolué pour intégrer la séduction comme un outil clé, transformant ainsi les modes de consommation et les comportements sociaux. Dans une perspective historique, il décrit comment, après la Seconde Guerre mondiale, notamment avec le Plan Marshall, la société française a été influencée par de nouveaux modèles de consommation permissive qui l’ont transformée en profondeur. Cette séduction capitaliste, selon l’auteur, est devenue un moyen stratégique de contrôler et de modeler la société, en encourageant un comportement centré sur le plaisir et la consommation plutôt que sur la production et le mérite.
La société capitalistique et ses niveaux d’initiation
Pour mener à bien ses conclusions, Michel Clouscard explore les niveaux d’initiation au sein de la société capitaliste, mettant en lumière la manière dont les individus sont progressivement intégrés dans ce système. Selon lui, ce processus débute dès l’enfance, où les enfants sont introduits à des produits et à un comportement ludique.
À l’adolescence, il évolue vers une utilisation libidinale des produits, marquant une transition vers le plaisir et la permissivité. Enfin, à l’âge adulte, les individus s’intègrent pleinement dans le système capitaliste, adoptant un mode de vie centré sur la consommation excessive, sans même se soucier des effets de cette consommation sur l’environnement et sur autrui. Ces étapes, soutient l’auteur, façonnent les individus en consommateurs idéaux, alignés sur les valeurs et les normes du capitalisme.
Critique de la social-démocratie libertaire
Dans « Le Capitalisme de la Séduction » Michel Clouscard formule aussi une critique cinglante de ce qu’il nomme la « social-démocratie libertaire ». Selon lui, ce système dont les événements étudiants de 1968 ont fait leur leitmotiv promeut un individualisme exacerbé et une permissivité culturelle qui s’éloignent des valeurs collectives et de l’éthique du travail. Sous couvert de revendication de liberté et d’absolu, cette tendance associée à Mai 68, sont à l’origine d’une culture qui valorise excessivement la jouissance et la consommation. Un peu plus de 10 ans après les événements, Clouscard affirme déjà que cette évolution marque une rupture avec les idéaux de solidarité et de discipline, traditionnellement associés à la gauche.
Clouscard soutient que cette social-démocratie libertaire sert les intérêts du capitalisme en détournant l’attention des masses des questions de justice sociale et de lutte des classes vers des préoccupations individuelles et matérialistes. En cela, elle contribue, selon lui, à la manipulation des masses par les élites capitalistes, déguisant l’exploitation sous le voile de la liberté individuelle et de la consommation. Cette vision offre un regard critique sur la transformation des sociétés occidentales dans le contexte postmoderne. Le mouvement se poursuivra dans les décennies suivantes et perdurera. C’est pourquoi cet ouvrage reste un ouvrage majeur profondément visionnaire.
Impact sur les classes sociales et la culture
Michel Clouscard analyse également l’impact du capitalisme moderne sur les classes sociales et la culture. Il observe que le capitalisme, par sa nature séductrice, a redéfini la structure des classes, passant d’une distinction basée sur la production à une hiérarchie centrée sur la consommation. Cette transformation a particulièrement touché la jeunesse et les femmes, en les intégrant davantage dans le marché de consommation.
L’auteur note également comment la culture, à travers des moyens comme la musique et le cinéma, a été utilisée pour propager l’idéologie capitaliste. Ces changements ont conduit à une homogénéisation des comportements et des aspirations, renforçant le modèle capitaliste tout en érodant les distinctions de classe traditionnelles et les valeurs culturelles antérieures. La rébellion par le rock, le flipper pour acheter du temps de loisir, la musique mécaniste, les jeans contre les uniformes, la petite révolte bourgeoise de la jeunesse qui se cherche alors des bandes contre l’ordre traditionnel et familial. Il faut relire Michel Clouscard. Aux débuts des années 80, il avait déjà compris beaucoup de choses sur la direction que prenaient nos sociétés soumises à l’économie capitaliste de marché.